Jean, Lucien, Albert   BOULANGER

Date de naissance :

29 novembre 1923

Lieu de naissance :

Crusnes (54 ) France

date de décès :

12 juillet 1994

Lieu de décès :

Colombes (92) France

Ralliement :

4 mai 1943 - France combattante - New York ( Etats-Unis d'Amérique )

Engagement dans les FNFL :

8 juillet 1943 - Londres ( Grande-Bretagne )

Matricules :

418T42, 647FN43

Affectations :

Minerve, Doris, Commandant d'Estienne d'Orves , Caserne Surcouf, Caserne Bir-Hakeim, Base Dundee

Grade atteint pendant la guerre :

Quartier-maître de 2ème classe électricien

N° membre AFL :

13.129

26 janvier 1942

Engagement : Marine nationale - Toulon 83 (provisoire pour cinq ans)

26 janvier 1942

Matelot de 2ème classe

26 janvier 1942   à   31 janvier 1942

5ème Dépôt (Toulon) (Groupe des recrues)

31 janvier 1942   à   1 septembre 1942

Condorcet ( Navire école )

13 juillet 1942

Engagement : définitif

1 septembre 1942

Matelot de 2ème classe breveté élémentaire électricien

1 septembre 1942   à   4 mai 1943

Le Terrible ( Contre-torpilleur )

4 mai 1943

Ralliement France combattante - New York ( Etats-Unis d'Amérique )

4 mai 1943   à   16 juillet 1943

Caserne Surcouf (Londres)

8 juillet 1943

Engagement : FNFL - Londres ( Grande-Bretagne )

16 juillet 1943   à   23 juillet 1943

Caserne Bir-Hakeim (Portsmouth)

23 juillet 1943   à   15 mars 1944

Minerve ( Sous-marin )

1 octobre 1943

Matelot de 1ère classe électricien

15 mars 1944   à   8 juin 1945

Doris ( Sous-marin )

8 juin 1945   à   29 avril 1946

Commandant d'Estienne d'Orves ( Corvette )

29 avril 1946

Rayé des contrôles de l'activité

Avant son ralliement à la France combattante, Jean Boulanger, engagé volontaire le 26 janvier 1942, était matelot électricien à bord du contre-torpilleur Le Terrible. Après le ralliement des forces armées d'Afrique du Nord et d'AOF aux alliés, consécutif au débarquement anglo-américain en Afrique du Nord (opération Torch, 8 novembre 1942), le bâtiment « giraudiste » fut envoyé aux Etats-Unis pour y être réparé et modernisé. Parti de Dakar le 24 janvier 1943, il arriva à New York le 13 février. Le 20 février, il appareilla pour Boston, où devait avoir lieu la refonte du bâtiment. Il y arriva le lendemain. Le 1er mai, permissionnaire avec autorisation de découcher, Jean Boulanger ne rentra pas à bord le lendemain à 7 heures et fut porté déserteur le 4 mai à minuit.

Il se rendit à New York, où il remit une demande d'engagement dans les FNFL à la délégation de la France combattante. S'adressant au général de Gaulle, il écrivait notamment :

« J'ai déjà essayé de me rallier à vous à Dakar. Je venais de sortir de mon cours et pensais que mon heure était arrivée. Avec un camarade nous sommes partis dans la brousse en direction du Tchad. Nous nous sommes perdus dans la brousse et nous avons été repris une semaine après, morts de faim. J'ai été puni de 60 jours de prison et mon camarade a été débarqué à Casablanca.
Quand nous sommes arrivés à Boston, j'ai de nouveau essayé de rallier, mais à la gare je prenais mon billet quand le commandant en second de mon bateau est tombé sur moi. J'ai été forcé de regagner le bord, où j'ai été de nouveau en prison. Aussitôt, je me suis rallié à vous.
Tous nos officiers sont germanophiles. Ils pensent toujours à la collaboration. Nous sommes ralliés aux Anglais et aux Américains, mais nous devons rester fidèles à Vichy malgré tout.
Je me suis rallié à vous sans pression d'aucune sorte, simplement parce que je suis Français et que je veux être avec de vrais Français. Juste pour le bien de la France, la victoire finale et chasser les Allemands de chez nous. »

Jean Boulanger a alors été pris en charge par une filière de la France combattante, dont la plaque tournante se trouvait à Putnam (Connecticut). Dans cette ville située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Boston était installée une Académie catholique (Catholic Academy), dont les soeurs et la Mère supérieure hébergeaient, apparemment sans savoir à qui elles avaient affaire, des marins de la marine giraudiste ralliés à la France combattante et dans l'attente d'un transfert, généralement vers Halifax (Canada), via New York, puis vers la Grande-Bretagne, où ils étaient incorporés [1].

Le lieutenant de vaisseau Simottel, embarqué sur Le Terrible, rapporte dans l'enquête qu'il a menée sur place le 17 mai 1943 le fonctionnement de cette filière :

« Arrivant isolément ou par petits groupes, les marins étaient logés dans une petite maison appartenant au couvent, mais séparée de lui par la route. Ils étaient envoyés par une demoiselle Tissot de la "Legation (sic) de France à New York", ou Sieur Rotival de la "Légation de France à Washington". (Il y a lieu de penser qu'il s'agit des "délégations de la France libre" dans ces deux villes). Ces mêmes personnes opéraient le rappel à N. Y. [New York] (lorsque la Mère supérieure ne le demandait pas elle-même en raison de la mauvaise conduite de ses invités).
La Mère me dit alors avoir reçu 4 ou 5 groupes de marins (5 à 7 hommes chacun) et les avoir hébergés depuis 2 mois. Elle ne peut m'en donner la liste.
Les pensionnaires étaient présentés à la Mère Louise et aux soeurs comme des marins ayant besoin de repos. Si ces apparences paraissent les avoir abusées, il est à noter toutefois que la plupart des marins portaient l'insigne gaulliste.
Durant leur séjour à Putnam, les hôtes de l'Académie catholique recevaient de l'argent de Mme Rotival, qui mettait même de temps à autre une voiture (avec de l'essence) à leur disposition. Certaine de leurs promenade a même fini par un accident. Mr. Rotival, lorsqu'il venait à Putnam, rendait visite à ces marins. Sa femme habite en effet auprès du couvent et semble avoir assuré une liaison personnelle.
Arrivés à des dates différents, les marins étaient rappelés en bloc, sur un télégramme du type général ci-après : Faites redescendre à New York le groupe de X marins hébergés en ce moment à Putnam.
Les signataires du télégramme étaient :

  • soit Mr. Rotival (Washington)
  • soit Mlle Tissot (New York)
  • soit un lieutenant français (Washington), dont il n'a pas été possible d'avoir le nom.

Il est à supposer que ces trois personnes travaillent ensemble et qu'elles sont vraisemblablement chargées de tenir les marins parés à prendre les convois qui les conduisent à l'étranger à la disposition des autorités gaullistes. [2] »

Cette enquête a été déclenchée, selon le rapport du lieutenant de vaisseau Simottel, par « une information donnée par le second maître électricien Monot, qui l'a recueillie lui-même le dimanche 16 mai d'une dame Gagne, coiffeuse à Putnam », signalant la présence dans la ville de trois marins du Terrible : Boulanger (électricien), Hains (armurier) Charlot (matelot sans spécialité).

Le lieutenant de vaisseau du Terrible précise le profil de l'informatrice, qui, après avoir soutenu la France libre, est devenue partisane du général Giraud  :

« Madame Gagne est une Française qui a fait précédemment partie de l'organisation Fighting French. Depuis le débarquement américain en Afrique du Nord, elle a quitté ce mouvement et son ralliement complet à la cause défendue par les autorités françaises en Afrique du Nord semble dû principalement à l'influence des gradés français rencontrés à Putnam. Elle paraît intelligente et clairvoyante. »

La coiffeuse apprit à l'officier giraudiste qu'un groupe de sept marins français avait pris le jour même le train rapide de 10 h 30 pour New York. Elle précisa même la tenue des membres du groupe : « un seul marin en tenue complète, cinq sans chemisette, deux en civil, dont le marin de la Marine marchande ». Il s'agissait, outre les marins du Terrible - Jean Boulanger, Jean Hains et Jean Charlot - de Maurice Fénery, Clovis Jousseaume (du pétrolier Nivôse), Jean Viroux (du bananier Guadeloupe) et Jacques Richard (du cuirassé Richelieu) [3]. Simottel demanda alors au lieutenant Crowley, du Security Office, chargé des enquêtes relatives aux marins disparus et qui l'avait conduit à Putnam, « d'alerter sans tarder les services de police et de surveillance en gare, afin d'arrêter à leur arrivée à N. Y. [New York] (15 h 19) le groupe de sept marins qu'accompagnent des jeunes filles. » Le lieutenant américain fit immédiatement le nécessaire, mais apparemment sans résultat, puisque tout le groupe de ralliés fut ensuite incorporé dans les forces de la France combattante : six dans les FNFL et Maurice Fénery dans les Forces aériennes française libres (FAFL). Jean Boulanger s'engagea le 8 juillet en Grande -Bretagne et servit successivement sur les sous-marins Minerve et Doris, puis sur la corvette Commandant d'Estienne d'Orves.

__________

[1] Le 4 mai 1943, indiqué dans l'état signalétique et des services de Jean Boulanger comme date de son affectation à la caserne Surcouf à Londres, a évidemment un caractère purement administratif, comme le montrent les informations ci-dessous sur la suite de son parcours aux Etats-Unis.
[2] Né à Paris en 1892, élève de l'Ecole centrale, Maurice Rotival s'installa aux Etats-Unis au milieu des années 1930, pour y exercer et y enseigner l'urbanisme à l'université de Yale. Il joua un rôle officieux d'agent de liaison à Washington avec les gaullistes de Londres.
Née en 1920, Geneviève Tissot travaillait depuis 1940 pour la Délégation de la France libre à New York.
[3] S'agissant de l'origine de ces marins, l'information donnée par Madame Gagne est floue et en grande partie inexacte : « un marin de commerce, trois marins du Terrible, trois marins du Richelieu (ou peut-être du Montcalm) ».


Sources :

  • SHD Vincennes, TTY 703, TTF 77
  • Archives FdFL (AFL 13.129)
  • GR 16 P 79549 [non consulté]
  • Archives du Comité d'Histoire de la Deuxième Guerre mondiale (lettre de ralliement de mai 1943)
  • Etat signalétique et des services
  • André BOUCHI-LAMONTAGNE, Historique des Forces navales françaises libres, t. 5, Mémorial
  • Site francaislibres.net