Date de naissance :
7 avril 1923
Lieu de naissance :
Saint-Quentin (02 ) France
date de décès :
11 juin 1999
Lieu de décès :
Limoges (87) France
Ralliement :
1 mai 1943 - France combattante - New York 600 ( Etats-Unis d'Amérique )
Engagement dans les FNFL :
24 mai 1943
Matricules :
6437T41, 708FN43
Affectations :
Aconit, Roselys
Grade atteint pendant la guerre :
Matelot maître d'hôtel
N° membre AFL :
10.260
Ralliement France combattante - New York 600 ( Etats-Unis d'Amérique )
Engagement : FNFL
Démobilisé
Le matelot maître d'hôtel Jacques Richard était embarqué sur le Richelieu, lorsque, après le ralliement des forces armées d'Afrique du Nord et d'AOF aux alliés, le cuirassé giraudiste fut envoyé à New York pour y être réparé et modernisé. Parti de Dakar le 30 janvier 1943, il entra au bassin de Brooklyn le 18 février. Le 1er mai 1943, après avoir déserté de son bâtiment, Jacques Richard remit au bureau de la délégation de la France combattante à New York une lettre de demande d'engagement dans les FNFL adressée au général de Gaulle :
« Mon général,
j'ai le grand honneur de vous relater les faits concernant mon évasion du bâtiment de ligne le Richelieu étant stationné à New York depuis le mois de mars 1943. Depuis le début j'ai cherché à joindre les Forces françaises libres. De Paris, je suis parti à Toulon, où j'ai cherché en vain. Je me suis engagé dans la marine française, dans l'espoir de trouver une occasion pour rejoindre les Français libres. Je suis allé ensuite à Dakar, où j'étais affecté sur le Richelieu et, là non plus, je n'ai pas trouvé d'occasion. Plusieurs de mes camarades s'évadèrent, mais ils furent rejoints après avoir parcouru quelques milles et j'ai compris qu'il fallait attendre un meilleur moment. Et, dès que je suis arrivé à New York, j'ai suivi mon idée. Mon devoir de Français m'appelait, me le dictait. J'ai donc quitté le Richelieu pour entrer en contact avec mes vrais chefs, qui m'ont accueillis avec enthousiasme. Voilà, mon général, les faits qui font que je suis devenu Français libre. Maintenant, les raisons qui m'ont guidé sur la bonne voie sont très simples. En vrai gars du Nord, je hais les boches, je hais tout ce qui touche ou approche de près cette race maudite.
Je veux venger les Français tombés en martyrs par la faute des traîtres et des vendus de Vichy. Nous espérons que tout cela se paiera. Ces hommes connaîtront le peuple français sous un jour qui sera leur dernier sur cette terre.
C'est donc avec cet esprit de haine que je crie Vive la France, Vive le général de Gaulle. »
Jacques Richard a ensuite été pris en charge par une filière de la France combattante, dont la plaque tournante se trouvait à Putnam (Connecticut). Dans cette ville située à une soixantaine de kilomètres au sud-ouest de Boston était installée une Académie catholique (Catholic Academy), dont les soeurs et la Mère supérieure hébergeaient, apparemment sans savoir à qui elles avaient affaire, des marins de la marine giraudiste ralliés à la France combattante et dans l'attente d'un transfert, généralement vers Halifax (Canada), via New York, puis vers la Grande-Bretagne, où ils étaient incorporés.
Le lieutenant de vaisseau Simottel, embarqué sur Le Terrible, rapporte dans l'enquête qu'il a menée sur place le 17 mai 1943 le fonctionnement de cette filière :
« Arrivant isolément ou par petits groupes, les marins étaient logés dans une petite maison appartenant au couvent, mais séparée de lui par la route. Ils étaient envoyés par une demoiselle Tissot de la "Legation (sic) de France à New York", ou Sieur Rotival de la "Légation de France à Washington". (Il y a lieu de penser qu'il s'agit des "délégations de la France libre" dans ces deux villes). Ces mêmes personnes opéraient le rappel à N. Y. [New York] (lorsque la Mère supérieure ne le demandait pas elle-même en raison de la mauvaise conduite de ses invités).
La Mère me dit alors avoir reçu 4 ou 5 groupes de marins (5 à 7 hommes chacun) et les avoir hébergés depuis 2 mois. Elle ne peut m'en donner la liste.
Les pensionnaires étaient présentés à la Mère Louise et aux soeurs comme des marins ayant besoin de repos. Si ces apparences paraissent les avoir abusées, il est à noter toutefois que la plupart des marins portaient l'insigne gaulliste.
Durant leur séjour à Putnam, les hôtes de l'Académie catholique recevaient de l'argent de Mme Rotival, qui mettait même de temps à autre une voiture (avec de l'essence) à leur disposition. Certaine de leurs promenade a même fini par un accident. Mr. Rotival, lorsqu'il venait à Putnam, rendait visite à ces marins. Sa femme habite en effet auprès du couvent et semble avoir assuré une liaison personnelle.
Arrivés à des dates différents, les marins étaient rappelés en bloc, sur un télégramme du type général ci-après : Faites redescendre à New York le groupe de X marins hébergés en ce moment à Putnam.
Les signataires du télégramme étaient :
soit Mr. Rotival (Washington)
soit Mlle Tissot (New York)
soit un lieutenant français (Washington), dont il n'a pas été possible d'avoir le nom.
Il est à supposer que ces trois personnes travaillent ensemble et qu'elles sont vraisemblablement chargées de tenir les marins parés à prendre les convois qui les conduisent à l'étranger à la disposition des autorités gaullistes. [1] »
Cette enquête a été déclenchée, selon le rapport du lieutenant de vaisseau Simottel, par « une information donnée par le second maître électricien Monot, qui l'a recueillie lui-même le dimanche 16 mai d'une dame Gagne, coiffeuse à Putnam », signalant la présence dans la ville de trois marins du Terrible : Boulanger (électricien), Hains (armurier), Charlot (matelot sans spécialité).
Le lieutenant de vaisseau du Terrible précise le profil de l'informatrice, qui, après avoir soutenu la France libre, est devenue partisane du général Giraud :
« Madame Gagne est une Française qui a fait précédemment partie de l'organisation Fighting French. Depuis le débarquement américain en Afrique du Nord, elle a quitté ce mouvement et son ralliement complet à la cause défendue par les autorités françaises en Afrique du Nord semble dû principalement à l'influence des gradés français rencontrés à Putnam. Elle paraît intelligente et clairvoyante. »
La coiffeuse apprit à l'officier giraudiste qu'un groupe de sept marins français avait pris le jour même le train rapide de 10 h 30 pour New York. Elle précisa même la tenue des membres du groupe : « un seul marin en tenue complète, cinq sans chemisette, deux en civil, dont le marin de la Marine marchande ». Il s'agissait, outre les marins du Terrible - Jean Boulanger, Jean Hains et Jean Charlot - de Maurice Fénery, Clovis Jousseaume (du pétrolier Nivôse), Jean Viroux (du bananier Guadeloupe) et Jacques Richard (du cuirassé Richelieu) [2]. Simottel demanda alors au lieutenant Crowley, du Security Office, chargé des enquêtes relatives aux marins disparus et qui l'avait conduit à Putnam, « d'alerter sans tarder les services de police et de surveillance en gare, afin d'arrêter à leur arrivée à N. Y. [New York] (15 h 19) le groupe de sept marins qu'accompagnent des jeunes filles. » Le lieutenant américain fit immédiatement le nécessaire, mais apparemment sans résultat, puisque tout le groupe de ralliés fut ensuite incorporé dans les forces de la France combattante : six dans les FNFL et Maurice Fénery dans les Forces aériennes française libres (FAFL).
Jacques Richard servit successivement sur les corvettes Aconit et Roselys.
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[1] Né à Paris en 1892, élève de l'Ecole centrale, Maurice Rotival s'installa aux Etats-Unis au milieu des années 1930, pour y exercer et y enseigner l'urbanisme à l'université de Yale. Il joua un rôle officieux d'agent de liaison à Washington avec les gaullistes de Londres.
Née en 1920, Geneviève Tissot travaillait depuis 1940 pour la Délégation de la France libre à New York.
[2] S'agissant de l'origine de ces marins, l'information donnée par Madame Gagne est floue et en grande partie inexacte : « un marin de commerce, trois marins du Terrible, trois marins du Richelieu (ou peut-être du Montcalm) ».
[Mise à jour : 28 février 2024]
Sources :