Date de naissance :
17 février 1919
Lieu de naissance :
Thuboeuf (53 ) France
date de décès :
15 novembre 1986
Lieu de décès :
Paris 16e (75) France
Ralliement :
18 janvier 1943 - France combattante - Alexandrie 100 ( Egypte )
Engagement dans les FNFL :
7 juin 1943 - Londres 400 ( Grande-Bretagne )
Matricules :
214B38, 10440FN43
Affectations :
2éme BFM, Chasseur 12 Bénodet, Base chasseurs, Etat-major Londres
Grade atteint pendant la guerre :
Quartier-maître cuisinier
N° membre AFL :
13.290
Engagement : Marine nationale pour trois ans
Matelot sans spécialité
Matelot de 2ème classe breveté élémentaire cuisinier
Agent civil de 2ème classe cuisinier
Ralliement France combattante - Alexandrie 100 ( Egypte )
Engagement : FNFL - Londres 400 ( Grande-Bretagne ) (pour compter du 18 janvier 1943
Quartier-maître de 1ère classe
Démobilisé
Renvoyé dans ses foyers
Engagé volontaire dans la Marine nationale le 14 décembre 1938 pour une durée de trois ans, le matelot de 2ème classe cuisinier Julien Gatin embarquait le 10 juin 1939 sur le Suffren, qui partait en campagne en Extrême Orient. Il était toujours à bord du bâtiment, lorsque la Force X, à laquelle appartenait le croiseur, fut internée à Alexandrie par les Anglais dans le cadre de l'opération Catapult (3 juillet 1940). Agent civil de 2ème classe cuisinier à partir du 1er juillet 1941, il quitta le navire, étant permissionnaire, le 17 janvier 1943 et ne rentra pas à bord le soir, car il avait décidé de rallier les FNFL. Il fut porté déserteur le lendemain à 21 h 30.
Le 28 janvier 1943, dans son rapport au commandant du Suffren, le lieutenant de vaisseau de Narbonne, chargé de l'enquête de police judiciaire concernant la désertion de Julien Gatin, résumait ainsi les faits, après avoir recueilli les dépositions de membres de l'équipage :
« Le dimanche 17 janvier, l'agent civil cuisinier Gatin affecté à la cuisine de l'équipage, descend à terre le matin et rejoint ses camarades Tuta, Tardiveau et Fasel, avec qui il passe la journée jusqu'à quatre heures, d'abord à faire de la bicyclette à Nouzan, puis à déjeuner et jouer du phonographe dans l'appartement qu'ils louent en commun à Ibrahimieh ; à quatre heures, Gatin, prétextant un rendez-vous en ville, les quitte. Le soir à neuf heures moins le quart, quand ses camarades à leur tour quittent l'appartement pour rentrer à bord, Gatin n'était toujours pas revenu se changer et Tuta pense sur le moment que Gatin, ayant trouvé une occasion, va simplement découcher. En fait, Gatin ne rentre pas à bord et déserte.
Le soir même, en effet, le maître mécanicien Herry, du Suffren, de passage au New-Bar, l'aperçoit en compagnie de deux déserteurs, Honoré, cuisinier du D[uguay-]Trouin, et Richard, ex-cuisinier du Suffren, qui tous deux depuis leur désertion ont fait de la "retape" pour le gaullisme, notamment au marché auprès des cuisiniers des tables.
De plus, le lendemain, l'E.V. Nanfi, chargé par vous de tenter de le ramener à bord, se rendit à son appartement, où il ne trouva qu'une lettre laissée par Gatin le matin même. Dans cette lettre que j'ai jointe au dossier, Gatin dit adieu à ses camarades et tente brièvement de leur expliquer son geste.
L'inventaire du caisson de Gatin, fait le lundi, montra que Gatin avait prémédité sa désertion , puisqu'il a pu sortir sans éveiller l'attention la totalité de ses papiers et photos et la majeure partie de son sac.
Mes fonctions d'Officier Fusilier et de Capitaine de compagnie de Gatin me permettent d'autre part d'imputer cette désertion surtout à la mentalité enfantine et peu équilibrée de cet homme. Car comment juger autrement un homme dont on était satisfait et qui le jour du Conseil d'avancement va se cacher au fond d'une soute !
Gatin, ému par une carte de ses parents lui disant la dureté des temps actuels en France, s'est laissé bêtement circonvenir par l'active propagande des gaullistes et a déserté.
Une semaine auparavant il avait eu soin d'envoyer à ses parents un mandat de 4000 francs et actuellement son compte de caisse d'épargne présente un solde disponible de 823,10. »
Le lieutenant de vaisseau de Narbonne minimise les motivations politiques de Julien Gatin. Il s'appuie sans doute sur la déposition du maître cuisinier du Suffren, Louis Perrot, qui a notamment déclaré :
« Cette désertion m'a beaucoup étonné et pourtant dans le fond je la redoutais un peu : en effet Gatin, quoique très travailleur, avait un caractère un peu enfantin avec parfois des sautes d'humeur imprévues et depuis quelque temps déjà l'irascibilité de son caractère s'était accentuée, en même temps qu'il se renfermait davantage et j'appréhendais quelque chose. Pourtant, plus d'une fois auparavant, Gatin avait affirmé devant moi à la cuisine que jamais il ne partirait chez de Gaulle. »
Le quartier-maître canonnier René Tuta, qui partageait avec Julien Gatin, le quartier-maître chauffeur Paul Fasel et l'agent civil de 2ème classe cuisinier Albert Tardiveau, un appartement en ville a, pour sa part, déclaré :
« Jamais jusqu'alors rien dans ses paroles ou dans ses actes ne m'avait laissé pensé que Gatin déserterait. »
Quant à Paul Fasel, il répondit lors de son interrogatoire :
« Quoique très ami avec Gatin, j'ignorais pratiquement ses idées politiques et je ne vois rien dans ses paroles ou dans ses actes précédents qui ait pu me faire penser qu'il déserterait. Cependant, je dois dire qu'il y a une quinzaine de jours Gatin m'avait confié que ses parents en France étaient très malheureux. »
Mais la lettre laissée par le déserteur à l'intention de ses camarades Tardiveau, Fasel et Tuta donnent une toute autre image de sa décision. Nous la transcrivons en corrigeant les nombreuses fautes de français pour en faciliter la lecture :
« Chers copains,
je viens vous donner mes derniers adieux, car je me suis engagé chez le général de Gaulle. Vous connaissez mes idées politiques. Si, depuis quelque temps, je les cachais, vous devinez pourquoi. Je sais fort bien que cela va vous paraître lâche mais en France mes parents se la serrent la ceinture et je ne puis supporter cela. Ce qui me pousse au départ, c'est d'entendre les germanophiles de la cuisine.
Vive la France (à bas les Boches).
Votre copain, qui vous serre la main cordialement.
Gatin
Je vous ferai parvenir la somme de deux livres pour ma nourriture et la malle.
Merci.
Gatin »
Ces convictions politiques nettement affirmées sont confirmées par Albert Tardiveau, même s'il ne s'attendait pas non plus au départ « chez de Gaulle » de son camarade :
« Gatin avait toujours eu des sentiments anglophiles. »
Il évoque certes des « accrochages » avec le maître cuisinier, mais « sans caractère de gravité », jusqu'au moment où Julien Gatin a reçu la carte de ses parents :
« Il y a environ deux mois Gatin avait reçu une carte de ses parents qui se plaignaient gravement de la dureté des temps et lui demandaient de lui [sic] envoyer de l'argent. A la suite de cette carte le caractère de Gatin s'était accentué et il ne tenait plus aucun compte des observations du maître cuisinier. »
Les nouvelles de France touchant ses parents ont manifestement été l'élément déclencheur de la décision très politique de Julien Gatin. Elles expliquent aussi apparemment l'aggravation des relations avec son chef, le maître cuisinier, qu'il devait considérer comme « germanophile ».
Après son ralliement à la France combattante le 18 janvier 1943, Julien Gatin resta quelque temps à Alexandrie, puis, le 17 février 1943, il rejoignit le 2ème BFM (2ème Bataillon de fusilier marins), qui se trouvait au Liban.
Il fut ensuite envoyé en Angleterre et c'est le lieutenant de vaisseau Paul Vibert, commandant la caserne Surcouf à Londres, qui reçut son engagement dans les FNFL le 7 juin 1943 pour compter du 18 janvier 1943, date de son ralliement à Alexandrie.
René Tuta, Paul Fasel et Albert Tardiveau suivirent peu après l'exemple de leur ami Julien Gatin et rallièrent également la France libre.
[Mises à jour : 19 décembre 2021, 26 janvier 2023]
Sources :