Date de naissance :
17 mai 1917
Lieu de naissance :
Saint-André-de-la-Marche (Sèvremoine (49 ) France
date de décès :
22 avril 1990
Lieu de décès :
Cholet (49) France
Ralliement :
1 août 1940 - France libre -
Engagement dans les FNFL :
26 décembre 1940
Matricules :
Paimpol 51929, 2495FN40
Affectations :
Etoile, Ecole timoniers Skegness
Grade atteint pendant la guerre :
Maître timonier
N° membre AFL :
23.359
Engagement : Marine nationale - Angers (pour trois ans)
Matelot sans spécialité
Apprenti timonier
Matelot breveté timonier
Quartier-maître de 2ème classe timonier
Hospitalisé à Leeds
Hospitalisé à Liverpool
Ralliement France libre
Engagement : FNFL
Second maître timonier
Maître timonier
Renvoyé dans ses foyers (admis à la retraite proportionnelle)
[Page en construction]
Engagé dans la Marine nationale depuis le 27 juin 1935, Francis Le Dévédec était matelot timonier à bord du torpilleur Mistral lorsqu'éclata la Seconde Guerrre mondiale.
Le 29 mai 1940, à 15 h 15, le bâtiment, qui participait à l'opération Dynamo, entrait dans l'avant-port de Dunkerque pour embarquer des soldats français et les évacuer vers l'Angleterre. Dans son journal de bord, Francis Le Dévédec, promu quartier-maître le 10 mai, témoigne :
« Nous amarrons le bateau près du quai. Voilà que tout-à-coup nous entendons une sourde explosion. C'est une bombe qui vient de tomber sur la plage, faisant sans doute beaucoup de victimes parmi tous ces soldats. Nous apercevons dans le ciel plusieurs avions ennemis. Ils se dirigent sur nous et aussitôt nous ouvrons le feu. Mais ils sont beaucoup. Nous en comptons 23. Quelques-uns font des piqués au-dessus de nous mais les bombes tombent à côté. Chaque homme est à son poste. Je suis à l'intérieur de la passerelle de navigation. Le commandant est auprès de moi. A travers la vitre je regarde un avion boche qui vient sur nous. Les 37 et mitrailleuses tirent dessus mais sans l'atteindre. Il approche. Je ne le vois plus. Tout-à-coup j'entends un sifflement aigu et aussitôt suivi d'une formidable explosion. Je vois un gros nuage noir devant mes yeux et je sens une violente douleur aux deux cuisses et à la main gauche. Je me couche à plat ventre aussitôt. Je me rends compte que je suis blessé. Je ne dis rien, je garde mon sang froid.
Le commandant nous crie : "Sauvez-vous d'ici." Je me relève mais j'ai beaucoup de peine, car je souffre. Enfin je descends de la passerelle comme je peux et je m'en vais dans la coursive. Ma tête tourne. Je vais tomber mais je sens que quelqu'un me monte sur son dos et m'emporte. J'ai perdu connaissance. Quand je reviens à moi, je demande ma femme et mes parents et à ce moment-là je me rends compte où je suis. Plusieurs de mes camarades sont autour de moi. Il y en a un, qui, avec son couteau, découpe mon pantalon pour voir ma blessure. Le sang coule à gros filets. Mon pantalon est trempé de sang. Mon pantalon enlevé, on voit 2 gros trous à chaque cuisse. Je souffre beaucoup mais je garde tout mon courage pour supporter ma douleur.
Mes camarades me prennent et me descendent au salon des officiers. Deux autres camarades viennent me rejoindre. Eux aussi sont blessés. Nous sommes restés seuls. Au-dessus de nous, nous entendons le vrombissement des avions boches. La mort plane au-dessus de nos têtes mais j'ai confiance qu'une bombe ne viendra pas nous frapper. Les mitrailleuses sur le pont crachent toujours le feu. Un camarade vient nous voir et nous dit : "Vous êtes vengés les gars." On a descendu deux avions un autre pas certain. Ça nous remonte un peu le moral. »
Au cours de l'attaque, deux hommes du Mistral avaient été tués (trois selon Francis Le Dévédec) et plusieurs blessés (six selon Francis Le Dévédec, dont le capitaine de corvette Emile Lavène, commandant le bâtiment, qui décéda le 9 juin en Angleterre).
Francis Le Dévédec reçut les premiers soins du médecin du bord. A 21 h 45, le Mistral arrivait à Douvres. Le lendemain, 30 mai, à 4 h du matin, un remorqueur accostait le long du bord et amenait les blessés à quai. Puis ils étaient transportés en train jusqu'à Leeds pour être soignés à l'hôpital de Seacroft. Pendant le séjour à Leeds, Francis Le Dévédec bénéficia, comme d'autres blessés français, du soutien et du dévouement d'une Française mariée à un Anglais, appelée affectueusement "Maman Gilliat". Ses deux filles prirent également soin des marins.
Pendant cette période, le timonier s'inquiéta pour sa famille, dont il était sans nouvelles, mais il réfléchit également à l'attitude à adopter après sa guérison. Extrait de son journal de bord :
« Nous savons par T.S.F. la situation qui est très grave en France. Que va-t-il en advenir ? Quoi qu'il arrive, je continuerai à défendre la liberté de ma patrie. »
Le 14 juillet 1940, il notait :
« Anniversaire de la fête nationale en France. Mais cette année nous la passerons dans de très mauvaises circonstances. Ici, à l'hôpital, nous avons appris la défaite de l'armée française et l'odieuse signature de l'armistice par le maréchal Pétain. En ce moment, la France est en partie occupée par l'Allemagne. Le peuple français va avoir à passer des moments qui resteront toujours gravés dans notre souvenir. L'Angleterre continue toujours la guerre et nous, soldats de France, qui, ayant versé notre sang pour notre patrie, avons la ferme confiance que nos alliés sortiront vainqueurs et que notre France revivra et que nous revivrons des jours heureux comme autrefois. Nous espérons que la paix et le bonheur renaîtront dans nos foyers, qui sont en ce moment plongés dans la misère, sans savoir si nous sommes morts ou vivants, et nous sans savoir les peines atroces qu'ils endurent en ce moment. Mais notre conscience et notre coeur de Français nous disent qu'il faut les délivrer de ce joug terrible, par lequel la vie ne sera pour eux qu'un atroce cauchemar.
Je continuerai encore à me battre sur mer. Peut-être n'en reviendrai-je pas mais j'aurai le bonheur d'avoir accompli mon devoir de Français. »
Le 27 juin, Francis Le Dévédec avait pu faire ses premiers pas depuis sa rentrée à l'hôpital. Un mois plus tard, le 28 juillet, il était transféré à l'hôpital de Broadgreen à Liverpool. Selon son livret matricule, il ralliait les FNFL quelques jours plus tard, le 1er août 1940.
Le lendemain, 2 août, dans l'après-midi, « le lieutenant de vaisseau Guillerme vient à l'hôpital pour nous décorer de la Croix de guerre, Cormier, Evanno et moi [1]. Cette simple cérémonie se passe dans la chambre de mon camarade Evanno et moi, en présence de plusieurs officiers français blessés ».
C'est apparemment début août également que Francis Le Dévédec retrouva avec joie ses officiers et ses camarades du Mistral « internés dans un camp à Liverpool », vraisemblablement dans le camp d'Aintree. Le 3 juillet 1940, dans le cadre de l'opération Catapult, les Britanniques avaient saisi le torpilleur à Plymouth. Les marins qui avaient refusé de rejoindre la Royal Navy ou le général de Gaulle avaient été internés dans l'attente de leur rapatriement en France.
La question du rapatriement se posa également pour Francis Le Dévédec :
« Un beau jour, nous apprenons que deux bateaux hôpitaux français viennent d'arriver à Liverpool [2]. Moi, je n'ai pas l'intention d'être rapatrié. Je m'étais juré sur mon lit d'hôpital de continuer à défendre ma patrie, s'il m'en était possible. Et parmi nous, Français, tous ces Français, un chef s'est levé. Le général de Gaulle veut continuer la lutte pour la libération de la France ! Il demande à tous les soldats français en Angleterre de reprendre les armes, afin de chasser de nos villes de nos villages, enfin, de notre terre sacrée l'ennemi envahisseur. Mais voilà, deux questions se posent ! Quel est mon devoir ?
Retourner en France près de ma femme et mes parents ? Mais une fois là-bas, que ferai-je. Je suis jeune. Les boches m'enverront peut-être en Allemagne pour travailler et une fois de plus je serai encore séparé de ceux qui me sont chers.
Dois-je alors rester ici pour continuer la lutte ? La France libre a besoin de marins pour réarmer les bateaux français venus se réfugier en Angleterre. J'ai aussi deux vengeances à tirer : celle de mon père, grièvement blessé à la guerre de 1914-1918 et la mienne, ayant été également blessé le 29 mai 1940. Rester ici, ce sera aussi continuer à être séparé des miens, mais au moins j'ai un idéal, celui un jour de revenir parmi eux en vainqueur ! Je resterai donc ici pour reprendre mon ancien poste. Je juge être de mon devoir. »
La détermination déjà exprimée par Francis Le Dévédec lorsqu'il était hospitalisé à Leeds a sans doute été confortée par l'action et les arguments des Français libres, dont le bureau de recrutement de Liverpool était particulièrement actif.
Après de nombreuses difficultés et des retards, l'embarquement des blessés à bord du Sphinx et du Canada put commencer le 16 septembre. Francis Le Dévédec note dans son carnet :
« Le 16 septembre, tous mes camarades blessés quittent l'hôpital en ambulance, afin de prendre le bateau. Sur 110, nous sommes seulement 3 de restés ici. Le coeur est gros au moment des adieux. Nous leur souhaitons bon voyage et en espérant qu'ils retrouveront tous les leurs. Eux nous souhaitent bonne chance et espèrent nous revoir bientôt. »
Un sentiment de solidarité humaine forgé dans l'horreur des combats rassemblait donc ces blessés en dépit de l'opposition fondamentale entre leur choix sur la poursuite de la lutte,
Francis Le Dévédec sortit de l'hôpital le 4 octobre et, après trois semaines de convalescence, il embarqua le 24 octobre sur le Volontaire, bâtiment servant de dépôt base aux FNFL à Liverpool. Il y resta jusqu'au 26 décembre, date de la signature de son engagement dans les FNFL. Dirigé sur Londres, il subit une visite médicale et se vit accorder une convalescence de sept jours.
Le 7 janvier 1941 au soir, il embarquait comme instructeur timonier sur la goélette Etoile, qui était utilisée comme annexe de l'Ecole navale FNFL à Portsmouth. Quelques jours plus tard, de violents bombardements lui rappelèrent Dunkerque. De temps en temps, le bateau effectuait quelques appareillages et rentrait le soir. Après un stage de deux mois, son cours étant terminé, Francis Le Dévédec fut débarqué. Etant inapte à la mer, il fut envoyé comme instructeur à HMS Royal Arthur, une base à terre de la Royal Navy, installée à Skegness, qui accueillait des jeunes recrues FNFL pour leur donner une formation militaire de base. Au début, Francis Le Dévédec leur apprit donc à marcher au pas, leur enseigna la discipline, le maniement d'armes, etc. Mais rapidement sa mission changea de nature :
« Au mois de juillet, mon commandant, M. Courtin, décide de former une école des timoniers. Je suis donc le premier instructeur des Forces françaises libres de cette école. »
Francis Le Dévédec resta à Skegness jusqu'en juin 1944. Il fut ensuite affecté, toujours comme instructeur timonier, à la base à terre britannique HMS Scotia, à Ayr, ville portuaire située sur le Firth of Clyde dans le sud-ouest de l'Ecosse.
Interrompues en mars 1941, les notes de Francis Le Dévédec reprennent par intermittence à partir du 29 novembre 1943. Elles confirment ses convictions gaullistes. Dans sa chambre, il a placé sur son meuble la photo de sa femme et une de ses parents. Sur les cloisons il a apposé « des photos, cartes du front, etc. » Mais surtout, à la tête de son lit, il y a une grande photo du général de Gaulle. Et il est confiant dans une issue prochaine de la guerre :
« Maintenant les nouvelles sont très bonnes. Verra-t-on la fin de la guerre cette année ?? Moi, je n'y crois pas. Mais l'année prochaine cela est certain. Aussi j'espère bien que dans un an à cette date ( 29 Nov. 43) j'aurai retrouvé tous mes êtres chers et amis. Je pense qu'au mois de mai la guerre sera terminée. »
Après la rencontre de Téhéran (fin novembre - début décembre 1943) entre Churchill, Staline et Roosevelt, il écrivait :
« Durant cette rencontre, un accord complet a été établi sur le lieu et la date des opérations qui seront entreprises à l'Est, l'Ouest et le Sud pour écraser l'Allemagne.
Sera-ce bientôt ? Cette année ou au début de l'année prochaine ?
L'Allemagne a peur et sa défaite est certaine et proche. »
Son optimisme était intact à Noël 1943 :
« Mon 4ème Noël d'exil !
J'ai un bon espoir que le Noël 44 je le passerai en France près de ma chère Solange et de tous mes êtres chers. »
Un mois plus tard, le 27 janvier 1944, il écrivait :
« Les nouvelles sont meilleures de jour en jour. Les Russes continuent toujours leur avance et en Italie les Alliés ont fait un nouveau débarquement derrière les lignes boches, qui a pleinement réussi.
Depuis quelque temps il est question dans les journaux de l'ouverture du second front. Les chefs alliés qui commanderont le débarquement sont à leur poste. Quand cela va-t-il se produire ? Sans doute sans tarder. »
Le 3 février 1944, jour du quatrième anniversaire de son mariage, Francis Le Dévédec confiait à son carnet quelques lignes destinées en fait à son épouse et faisait le bilan de la décision difficile qu'il avait dû prendre presque quatre ans auparavant :
« Le sacrifice que j'ai fait a été bien dur pour nous deux, mais j'en suis fier et toi aussi tu peux être fière, car c'est pour une bonne cause. Maintenant les plus mauvais jours sont passés. Aie confiance, les beaux jours sont proches. »
Le 27 février 1944, l'humeur du marin était plus morose. La tristesse d'une journée d'hiver et l'absence de nouvelles de Solange y étaient sans doute pour quelque chose :
« Les nouvelles de la guerre sont toujours bonnes mais c'est bien long. En Italie, les Alliés n'avancent presque pas. Les Russes font toujours des avancées étonnantes et la RAF bombarde sans arrêt l'Allemagne.
Depuis longtemps déjà on parle du débarquement en Europe mais ce débarquement on l'attend toujours. C'est à se demander si un jour il aura lieu. »
Le carnet s'achève sur cette interrogation inquiète. Un peu plus de trois mois plus tard, Francis Le Dévédec avait la réponse. Et en avril 1945 il obtenait une « permission de France » de quinze jours prolongée de 10 jours [3].
Après un bref passage à la caserne Birot (base de la Clyde) en octobre-novembre 1945, Francis Le Dévédec rejoignit le 2ème Dépôt à Brest et le quitta le 1er avril 1946. Il fut alors affecté au service OCD de la préfecture maritime de Brest, puis, à partir du 16 septembre 1949, à Marine Paris.
Il fut admis à la retraite le 16 décembre 1950.
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[1] Maurice Cormier et Alphonse Evanno avaient également été blessés le 29 mai lors de l'attaque du Mistral et hospitalisés à Leeds. Evanno, qui avait perdu ses deux yeux, partageait la chambre de Francis Le Dévédec à l'hôpital de Liverpool.
[2] Il s'agit du Sphinx et du Canada, qui arrivèrent à Liverpool le 5 septembre 1940 à midi pour rapatrier des blessés. L'embarquement ne put commencer que le 16 septembre.
[3] Une mention dans le livret matricule de Francis Le Dévédec pourrait laisser penser - apparemment à tort - qu'il avait déjà eu une « permission de France » de quinze jours en décembre 1944.
Décorations, distinctions :
Sources :
Documents :