Gilbert   HECHINGER

Le 4 octobre 1938, Gilbert Hechinger entrait à l'Ecole des apprentis marins, installée sur le navire école Armorique à Brest. Après une période probatoire, il fut admis le 16 février 1939 à poursuivre sa formation comme apprenti marin, après avoir signé par anticipation un engagement de cinq ans pour compter de sa sortie de l'école le 1er juillet 1939.

Le 12 janvier 1940, il embarqua sur le Forbin comme matelot de 2ème classe sans spécialité. Il était toujours à bord du torpilleur - comme quartier-maître de 2ème classe de manoeuvre -, lorsque la Force X, à laquelle appartenait le bâtiment, fut internée à Alexandrie par les Anglais dans le cadre de l'opération Catapult (3 juillet 1940). Le 30 septembre 1942, étant permissionnaire de la demi-journée, il quitta son bâtiment en emportant la majeure partie de son sac et ne rentra pas à bord par l'embarcation de 20 h 30. Il fut porté déserteur à compter du 2 octobre à 0 h 00..

Le 14 octobre 1942, dans son rapport au commandant du Forbin, l'enseigne de vaisseau de 1ère classe Boudet, chargé de l'enquête de police judiciaire concernant la désertion de Gilbert Hechinger, écrivait, après avoir recueilli les dépositions de membres de l'équipage :

« Hechinger a quitté le bord le 30 septembre avec les permissionnaires de 12 h 30. Après son départ, le maître de manoeuvre a trouvé la lettre suivante :
"Maître ,
je regrette beaucoup de vous quitter, mais mon idée est là, personne m'empêchera de déserter, ça fait un mois que je me prépare.
Cordiale poignée de main,
Hechinger."
Sitôt pévenu de son  départ, j'ai essayé de le rejoindre à la maison de repos gaulliste et à la Maison de France, mais en vain.
J'ai appris de ses camarades que, depuis plusieurs mois, il vivait à terre avec une fille de la plus basse classe. Je suis allé la voir, elle avait essayé de le retenir, sans succès : sa décision, m'a-t-elle dit, remontait à une huitaine de jours. "On essaye de nous endormir en entretenant l'idée que nous serons un jour relevés, disait-il, il n'y a pas d'espoir de partir d'ici, alors je m'en vais."
Il venait également de recevoir de mauvaises nouvelles de chez lui.
Personnellement, j'ai été très surpris de voir dans quelle compagnie lamentable Hechinger, que j'estimais, était tombé. A-t-il éprouvé un certain dégoût de lui-même de se sentir si bas ; a-t-il voulu réagir et rompre brutalement avec le passé en désertant. Ceci est sûrement une des raisons qui a dicté sa conduite, si l'on pense qu'il a abandonné cette fille en même temps qu'il quittait le bord, alors qu'il est resté encore plusieurs jours à Alexandrie.
L'autre raison est l'ennui, qui se traduit par le besoin de voir les choses changer, quel qu'en soit le sens. »

Après son ralliement, Gilbert Hechinger fut affecté successivement à la Marine au Levant, puis à la vedette de patrouille Baalbeck et à la direction du port de Beyrouth.

En octobre 1943, Gilbert Hechinger fit partie du détachement Escorteur X  qui fut envoyé aux Etats-Unis pour participer à l'armement du destroyer d'escorte qui était en construction à Wilmington pour la Marine française sous le nom provisoire de USS Crosley (DE-108). Le bâtiment, renommé Tunisien, fut remis à la Marine française à Norfolk le 11 février 1944. Après des essais aux Bermudes, le Tunisien, dont la quasi totalité de l'équipage et de l'état-major était composé d'ex-FNFL, gagna la Méditerranée et participa au débarquement de Provence au mois d'août.

Démobilisé le 7 juillet 1945, Gilbert Hechinger se rengagea pour cinq ans dans la Marine. En octobre 1946 il était quartier-maître instructeur au CFM (Centre de formation maritime) de Mimizan-Plage.

Informations complémentaires :

• Sur le Tunisien : Jacques OMNÈS, Le destroyer d'escorte Tunisien, armé par un équipage FNFL in Débarquement de Provence, 15 août 1944 - Participation de la Marine française, dont les unités FNFL, Fondation de la France libre, s.d., pp. 18-20