Joseph, Louis   ANCEL

Date de naissance :

22 juin 1920

Lieu de naissance :

Mulhouse (68 ) France

date de décès :

18 octobre 1989

Lieu de décès :

La Seyne-sur-Mer (83) France

Ralliement :

23 décembre 1941 - France libre - Alexandrie ( Egypte )

Matricules :

10102FN41

Affectations :

Marine au Levant, 2ème BFM, L'Escarmouche

Grade atteint pendant la guerre :

Quartier-maître canonnier

N° membre AFL :

1.426

25 juillet 1938

Engagement : Marine nationale pour cinq ans

25 juillet 1938

Matelot sans spécialité

25 juillet 1938   à   13 août 1938

5ème Dépôt (Toulon) (Groupe des recrues)

13 août 1938   à   1 septembre 1938

Paris ( Cuirassé )

1 septembre 1938   à   1 décembre 1938

Courbet ( Cuirassé )

1 décembre 1938   à   23 janvier 1939

Suffren ( Croiseur )

22 janvier 1939

Matelot canonnier

23 janvier 1939   à   10 juin 1939

5ème Dépôt (Toulon)

10 juin 1939   à   23 décembre 1941

Suffren ( Croiseur )

23 décembre 1941

Ralliement France libre - Alexandrie ( Egypte )

décembre 1941

Marine au Levant

décembre 1941   à   6 juin 1943

2ème BFM (2ème Bataillon de fusiliers marins)

6 juin 1943   à   1 juillet 1945

L'Escarmouche ( Frégate )

1 juillet 1945

Démobilisé

Engagé dans la Marine nationale le 25 juillet 1938, Joseph Ancel embarqua une première fois sur le Suffren du 1er décembre 1938 au 23 janvier 1939. Le 10 juin 1939 il embarquait à nouveau sur le croiseur, cette fois comme matelot canonnier. Le bâtiment, qui appartenait alors à l'escadre de la Méditerranée, fut détaché peu après au sein des Forces navales d'Extrême-Orient (FNEO), où il prit part au début de la Deuxième Guerre mondiale. En mai 1940, le Suffren rallia l'Egypte. Joseph Ancel était toujours à bord du bâtiment, lorsque la Force X, à laquelle appartenait désormais le croiseur, fut internée à Alexandrie par les Anglais dans le cadre de l'opération Catapult (3 juillet 1940). Le 23 décembre 1941 il quittait le bord comme permissionnaire, ne rentrait pas le soir et ralliait les FNFL. Il fut porté officiellement déserteur le 24.

Le 7 janvier 1942, dans son rapport au commandant du Suffren, le lieutenant de vaisseau Abrial, chargé de l'enquête de police judiciaire concernant la désertion de Joseph Ancel, écrivait, après avoir recueilli les dépositions de membres de l'équipage :

« Le mardi 23 décembre, le matelot canonnier Ancel Joseph Louis, matricule 3849-T-38, est descendu à terre comme permissionnaire. Il devait rentrer le soir vers 20 h 30, mais on ne l'a pas revu à bord.
Ancel, le 23 décembre au soir, est venu au quai d'embarquement des permissionnaires accompagné par le quartier-maître mécanicien L'Huillier Jean, matricule 4501-T-35, son compagnon  de chambre en ville.
Lorsqu'ils sont arrivés à la porte 6, la garde de quai n'y était plus, mais ils virent que le vapeur de corvée n'avait pas encore poussé. Brusquement, entre la porte et le quai d'embarquement, Ancel manifeste son intention de découcher.
L'Huillier essaya de le faire rentrer, mais en vain, et il eut juste le temps de sauter dans le vapeur.
Le jeudi 25 décembre, les quartiers-maîtres mécaniciens Jaegle Albert, matricule 1838-T-36, et Bernard Luc, 5140-T-37, locataires du même appartement que Ancel et L'Huillier, sont descendus à terre, bien décidés à de ramener Ancel, si par hasard ils le voyaient. Lorsqu'ils arrivèrent dans leur appartement, ils apprirent par le propriétaire et par une jeune fille grecque qu'Ancel s'était engagé dans les Forces françaises libres et qu'il partait au Caire par le train de midi.
Il ne semble pas y avoir eu préméditation de désertion de la part d'Ancel.
On a retrouvé dans son caisson son sac complet, des lettres et des photographies de famille.
Ses meilleurs amis à bord ont été très surpris de son acte. Il n'en avait parlé à personne.
Le 23 décembre au soir, ayant décidé brusquement de découcher, Ancel a dû s'enivrer et probablement se laisser monter la tête par des gaullistes. D'après divers renseignements, il est resté en état d'ivresse jusqu'au 25 décembre au matin.
L'incident de la photographie du Maréchal et ses pleurs (déposition de Jaegle) semblent montrer qu'il n'était pas très fier de sa désertion.
Ancel était mon ordonnance et je lui parlais souvent. Il semblait solide à son poste ; quelques jours avant sa désertion il avait reçu une lettre de sa soeur (lettre jointe au dossier), mariée à un second maître télémétriste, Othon Schneider, actuellement à Dakar. Il m'avait donné cette lettre à lire. Sa soeur lui disait qu'elle avait été expulsée d'Alsace, son mari n'étant pas venu se soumettre aux Allemands. Sa mère, restée seule en Alsace, lui faisait dire de rester un bon Français et de ne pas rentrer chez lui.
Rien dans cette lettre ne pouvait l'inciter à déserter.
Il y a trois mois environ, Ancel était rentré avec douze heures de retard. Complètement ivre en sortant d'un bar, il avait été recueilli gisant sur le trottoir par une "bonne femme française, Madame Suzanne", connue pour ses sentiments gaullistes.
Il m'en avait donné l'adresse et, pour me rendre compte qui elle était, j'étais allé la voir.
Elle ne cachait pas ses opinions mais prétendait ne faire aucune propagande auprès des marins. Ancel avait vu chez elle une photo de "De Gaulle", mais elle ne lui avait pas dit un mot pour l'inciter à déserter.
L'enquête de police judiciaire a montré qu'il allait de temps en temps la voir en signe de reconnaissance.
Peut-être a-t-elle alors essayé de l'influencer ?
Ancel était un garçon timide, très jeune de caractère, influençable et souffrant beaucoup, je crois, de l'atroce situation de l'Alsace. Je lui répétais souvent que la guerre n'était pas finie, qu'il fallait être patient et conserver l'espoir.
Etant ivre, on a dû lui faire signer un engagement et il n'a pas eu la force de caractère voulue pour réagir ensuite. »

Les dépositions de certains marins permettent de préciser certains points.

Jean Laurans, qui avait fait l'inventaire du sac de Joseph Ancel le 26 décembre, indiqua :

« Son sac était absolument complet ; j'ai retrouvé toutes ses lettres et ses photographies. Parmi les lettres s'en trouvaient une du matelot canonnier Spielmann [1] datant de la désertion de ce dernier en 1940. »

Dans son témoignage le quartier-maître mécanicien Albert Jaegle raconta l'« incident » avec la photo du maréchal Pétain :

« Le 25 décembre, je suis sorti comme permissionnaire avec l'intention de ramener Ancel, si jamais je le voyais. Je suis arrivé vers 10 h 45 dans l'appartement que j'avais loué avec lui, Bernard et L'Huillier. J'ai trouvé l'appartement en désordre. Bernard est allé voir le propriétaire pour qu'il envoie quelqu'un mettre de l'ordre. Le propriétaire dit alors à Bernard que Ancel était venu lui remettre les clefs dix minutes avant, en lui annonçant son départ au Caire par le train de midi.
Pendant ce temps-là, je suis allé voir une jeune femme grecque qui pouvait me donner des renseignements et qui m'a raconté la chose suivante :
Le 24 décembre, elle est venue avant 7 heures dans l'appartement avec un ami civil, qui loue la chambre le jour où nous sommes de service. Un sous-officier anglais et une jeune fille sont venus réveillonner avec eux. Vers 23 heures, Ancel est arrivé dans l'appartement et il semblait ivre. Lorsqu'il leur annonça qu'il s'était engagé dans les Forces françaises libres, la jeune fille prit une photo du maréchal Pétain qui était dans l'appartement et dit que maintenant elle pouvait la déchirer. Ancel se mit en colère, lui dit de ne pas toucher à la photographie du Maréchal ou que sinon c'était elle qui allait se faire abimer. Il dit alors qu'il n'allait pas se battre pour les Anglais mais avec d'autres Français pour libérer son pays.
Ancel a dormi dans l'appartement et, vers dix heures le lendemain matin, le propriétaire l'a réveillé pour faire le ménage.
Ancel s'est alors habillé, puis, vers 10 h 45, il est allé remettre les clefs au propriétaire, lui annonçant son départ au Caire. »

Au passage, Albert Jaegle évoqua également les rapports de son ami Ancel avec des Alsaciens à Alexandrie :

« Je sais qu'Ancel voyait à terre des amis alsaciens qui travaillaient dans une filature. Il m'avait dit qu'ils avaient été obligés de s'inscrire au Comité national, mais qu'ils n'étaient pas gaullistes. »

Le 25 décembre, le quartier-maître canonnier Guillaume Charles avait vu Joseph Ancel en ville en compagnie d'un ancien quartier-maître électricien du Suffren, Georges Prunetti, qui avait lui-même déserté le 20 décembre, donc quelques jours avant Joseph Ancel  :

« Le 25 décembre vers 11 heures, étant au bar "Le Caire", j'ai vu rentrer Ancel et Prunetti. Ancel était en civil et Prunetti en uniforme ; ils sont venus dire au revoir à des civils, puis, en passant à côté de moi, ils m'ont dit également au revoir. Ils semblaient très pressés et ne m'ont pas dit autre chose. Je les ai vus ensuite monter dans une voiture conduite par un enseigne de vaisseau français portant les insignes d'aviateur. Cette voiture avait à côté du numéro une marque tricolore bleu, blanc rouge. »
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[1] André Spielmann, matelot canonnier à bord du Suffren, avait été porté déserteur le 8 novembre 1940. Il devait disparaître le 18 février 1942 dans le golfe du Mexique lors de la perte du sous-marin FNFL Surcouf.


Recherches complémentaires :

  • Engagement dans le 2ème BFM selon AFL 1426 : 23 décembre 1941. Date effective ou rétroactive ?

Sources :

  • SHD Vincennes, TTE 50, TTE 55
  • Archives FdFL (AFL 1.426)
  • GR 16 P 11962 [non consulté]
  • André BOUCHI-LAMONTAGNE, Historique des Forces navales françaises libres, t. 5, Mémorial (jour de décès erroné)
  • Site francaislibres.net