Date de naissance :
11 juin 1918
Lieu de naissance :
Brest (29) France
Date de décès :
20 juin 1985
Lieu de décès :
Ollioules (83) France
Engagement dans les FNFL :
1 septembre 1941 - Alexandrie 100 ( Egypte )
Matricules :
2453B35
Affectations :
Marine Egypte, Etat-major Londres, Commandant Détroyat, Marine AEF
Grade atteint pendant la guerre :
Commissaire
N° membre AFL :
26.352
Incorporation dans la Marine nationale
Matelot de 2ème classe sans spécialité
Matelot de 2ème classe fourrier
Matelot de 1ère classe fourrier
Quartier-maître de 2ème classe fourrier
Quartier-maître de 1ère classe fourrier
Second maître de 2ème classe fourrier
Engagement : FNFL - Alexandrie 100 ( Egypte )
Aspirant commissaire
Incorporé dans la Marine nationale en septembre 1935, le quartier-maître de 2ème classe fourrier Gustave Penlaë embarquait le 1er janvier 1939 sur l'aviso colonial Amiral Charner, puis le 2 septembre 1939 sur le croiseur Suffren, qui se trouvaient alors en Indochine. En mai 1940, le Suffren rallia l'Egypte. Gustave Penlaë était toujours à bord du bâtiment, lorsque la Force X, à laquelle appartenait le croiseur, fut internée à Alexandrie par les Anglais dans le cadre de l'opération Catapult (3 juillet 1940). Le 30 août 1941 - il était alors second maître - il quittait le bord avec l'embarcation des permissionnaires et ne ralliait pas le bâtiment le soir, car il avait décidé de rallier les FNFL. Il était porté déserteur le lendemain.
Le 2 septembre 1941, dans son rapport au commandant du Suffren, le lieutenant de vaisseau Motais de Narbonne, chargé de l'enquête de police judiciaire concernant la désertion de Gustave Penlaë, écrivait, après avoir recueilli les dépositions de membres de l'équipage :
« Le Second-Maître de 2ème classe fourrier Penlaë Gustave Mle 2453-B-35 et l'Agent civil de 1ère classe tailleur Jaugin Guy Mle 2337-C-34, permissionnaires de la journée du 30 août ne sont pas rentrés à bord le soir et ont été portés déserteurs le 31 août.
[...] Penlaë comme Jaugin ont quitté le bord le 30, bien décidés à déserter ; dans les jours qui ont précédé, tous deux ont, sans se faire remarquer, sorti du bord l'essentiel de leurs affaires et peu après son départ du bord Penlaë a confié au Q/M fourrier Sac du Suffren leur intention de déserter.
Monsieur le Commissaire Queruel et le Q/Maître fourrier Sac [1], qui ont vu le lendemain Penlaë, ont tenté, mais en vain, de le faire revenir à bord ; le Q/Maître électricien Neveu fit de même pour Jaugin, sans plus de succès.
Les raisons de la désertion de Penlaë semblent être le refus de l'autorité maritime de l'autoriser d'épouser une jeune fille juive d'Alexandrie, de nationalité turque. Penlaë, qui louait une chambre dans la pension de famille que tenait Madame Goldemberg [Goldenberg], mère de la jeune fille, a subi peu à peu l'influence de ce milieu juif qu'il s'était mis à fréquenter et qui dut le mettre en relation avec l'officine judéo-gaulliste de désertion d'Alexandrie dirigée par le sieur Albi [Alby], tandis qu'en contrepartie la jeune fille se convertissait au catholicisme au couvent des Dames de Sion, où le 31 août, lendemain du départ du bord de Penlaë, elle faisait sa première communion. »
Dans la lettre qu'il a laissée pour le capitaine de vaisseau Dillard, commandant le Suffren , Gustave Penlaë donne une toute autre version, très politique, des raisons de sa désertion :
« Commandant,
J'ai le regret de vous annoncer ma décision de rallier les Forces Françaises Libres.
Contrairement à ce que beaucoup à bord vont penser, ce n'est pas la question de mon mariage qui me pousse à "déserter". Non, c'est la politique actuelle de la France qui me déplaît profondément. Petit à petit on arrive à une collaboration militaire franco-allemande. On a déjà oublié que l'ennemi n'est pas l'Anglais mais l'Allemand. (Pourtant, je vous assure, je n'aime pas les Anglais) Il suffit d'entendre quelques conversations à bord pour s'en convaincre. Presque tout le monde considère les Allemands comme des sauveurs. Vous même, Commandant, n'avez-vous pas épousé les doctrines raciales nazies ?
Je regretterai certainement le Suffren, où dans l'équipage je ne comptais que des amis, tandis que, je crois, j'avais l'estime de mes officiers.
En partant, commandant, je commets une petite indélicatesse : j'emprunte mon livret militaire. Il m'est indispensable. Dans quelques jours je le renverrai à bord.
Veuillez agréer, Commandant, l'expression de mon profond respect. (Respect qui continue et continuera d'exister). »
La version de Gustave Penlaë est corroborée par la déposition du quartier-maître fourrier Pierre Sac, qui apporte également d'intéressantes précisions sur les problèmes de mariage du marin :
« Samedi dernier, dans l'embarcation des permissionnaires, Penlaë me dit qu'il avait quelque chose d'important à me confier. Une fois à terre je l'accompagnai donc sur son chemin jusqu'au Swiss [illisible]. Le second maître commis Le Moigne était avec nous. Penlaë me dit qu'il avait pris son livret matricule au bureau militaire, en ayant besoin comme pièce d'état-civil pour son mariage. "Je pars chez de Gaulle, me dit-il. Depuis un mois je suis en pourparlers avec Alby et maintenant, ayant mûrement réfléchi, j'ai pris la décision de partir." »
Le témoin affirme certes que « la seule raison importante » de la désertion de Gustave Penlaë serait « le refus d'autorisation donné par le commandant à une demande de mariage », mais il cite également ses motivations politiques :
« Penlaë avait fait il y a un an la connaissance d'une jeune fille juive, sujette turque, car née à Smyrne, mais dont le père, protégé français, s'était fait naturaliser et avait été mobilisé durant la guerre dans un parc d'[illisible]. Penlaë voulait épouser cette jeune fille, mais le commandant ayant refusé de transmettre sa demande, tant que Penlaë ne pourrait lui montrer une approbation de sa famille, les choses traînaient en longueur et Penlaë s'impatientait. Penlaë a converti sa fiancée et, voulant hâter son mariage, s'est affranchi de l'autorité du bord en passant chez de Gaulle.
Dans la dernière conversation que j'ai eue avec lui, Penlaë, en me donnant les motifs de sa désertion, n'a invoqué que la politique actuelle de la France, qui ne lui plaisait pas.
En m'annonçant qu'il désertait, Penlaë m'a dit que Jaugin, le tailleur, partait également en même temps que lui et qu'il espérait qu'un quartier-maître radio en ferait autant que lui.
[...]
Il m'a dit qu'il devait se marier le mercredi trois septembre dans la chapelle du couvent de Notre-Dame de Sion, où sa fiancée vient d'être baptisée et a fait sa première communion. »
Sans exclure un rapport entre les projets matrimoniaux de Gustave Penlaë et son départ, un autre témoin rapporte les paroles du déserteur : « Je suis parti pour l'Idéal. » Il exprime toutefois la conviction que des personnes ont « abusé de la bonne foi » du fourrier, notamment la mère de sa fiancée. Mais, précise-t-il, « cette opinion n'est fondée que sur une impression »...
Le 1er septembre 1941, le lieutenant Camille Alby, officier de recrutement des Forces françaises libres à Alexandrie, recevait l'engagement « pour toute la durée des hostilités » de Gustave Penlaë « à servir avec honneur et fidélité dans les unités de la marine Française Libre, relevant du Général de Gaulle, chef des Français Libres ». Le fourrier était admis avec son grade de second maître et avec une ancienneté de six ans. Il était également précisé :
« En attendant que des dispositions particulières règlent la question de sa nationalité, il bénéficiera de la protection des Autorités Diplomatiques et consulaires Britanniques au même titre qu'un citoyen britannique. »
En conclusion de son rapport, le lieutenant de vaisseau Motais de Narbonne se demandait si le mariage de Gustave Penlaë, auquel Jaugin devait être témoin, pourrait bien avoir lieu comme prévu le 3 septembre, car « d'après des renseignements assez sûrs mais [qu'il n'avait pu] vérifier », Penlaë et Jaugin devaient « partir le 4 septembre pour Suez afin d'embarquer sur le Félix Roussel ».
En fait, Gustave Penlaë se maria le 5 septembre à Alexandrie avec Catherine Goldenberg. Puis, après un court passage par le Mena Camp (au pied des pyramides), de septembre à novembre 1941, il fut affecté à Marine Egypte à Ismaïlia de novembre 1941 à mai 1942. Du 19 mai au 12 juillet 1942, il suivit un peloton d'aspirants à Beyrouth. Il rejoignit Londres par voie maritime.
Le 23 septembre 1942, Gustave Penlaë signait son acte officiel d'engagement dans les FNFL par devant le lieutenant de vaisseau Le Roy, commandant la caserne Surcouf à Londres. Le document portait au verso la mention :
« Le présent acte d'engagement est une formalité de régularisation. En fait, Penlaë Gustave appartient aux F.N.F.L. depuis le 1.9.41, date à laquelle il a rallié à Alexandrie. »
Nommé aspirant commissaire le 15 août 1942, il fut affecté à l'Etat-major des FNFL à Londres de septembre 1942 à mars 1943.
Embarqué sur Commandant Détroyat de février 1943 à juillet 1944, il participa, comme membre de l'état-major de la corvette faisant fonction de commissaire, à la Bataille de l'Atlantique.
Au mois de juillet 1943, le commandant Janvier dut infliger des punitions à l'enseigne de vaisseau Saliou et à l'aspirant Gustave Penlaë « pour manifestations contraires à la discipline, d'ailleurs sans caractère de gravité ». Il notait :
« L'effet de ces punitions a été salutaire sur mon Etat-Major, un peu trop enclin à oublier que les officiers (ou futurs officiers), doivent montrer l'exemple en toutes circonstances à l'équipage. »
Du 21 au 23 septembre 1943, presque deux mois après la fusion des FNFL et de la marine giraudiste, le Commandant Détroyat fit escale à Casablanca. Gustave Penlaë put mesurer à cette occasion la rancune tenace que lui vouaient d'anciens vichystes. Dans un rapport au Chef d'Etat-major général de la Marine Alger en date du 7 octobre 1943, le capitaine de corvette de réserve Janvier, commandant la corvette, note :
« J'ai reçu de l'Amiral Ronarc'h lui-même l'avis que la présence de mon officier en second (Enseigne de Vaisseau de 1ère classe Lesieur) et de l'Aspirant Commissaire Penlaë, "déserteurs" de la Force d'Alexandrie, n'était pas souhaitable sur le Forbin et qu'il était prudent que ces deux Français s'abstiennent de se rendre sur ce navire. »
Le Forbin faisait partie de la Force X à Alexandrie au moment du ralliement de Gustave Penlaë à la France libre.
Nouvel incident, lors de la longue escale du Commandant Détroyat à Casablanca à partir du 16 novembre 1943, consigné par le capitaine de corvette Janvier dans son « Mémoire au sujet de quelques activités de la Marine au Maroc », en date du 6 décembre 1943 :
« A un aspirant commissaire de tenue irréprochable (Penlaë), ex-déserteur du Suffren, qui passe sur ce bâtiment pour rejoindre son bord, un Lieutenant de Vaisseau (Motais de Narbonne), qui fut son capitaine de compagnie, lui fait remarquer, en présence de matelots, qu'il ne doit pas s'arrêter sur le pont, même pour parler à des gens de connaissance, que le Suffren n'est pas un lieu de conversation et qu'il doit passer rapidement. »
Motais de Narbonne avait été chargé en son temps de l'enquête sur la désertion de Gustave Penlaë.
Après la guerre, Gustave Penlaë poursuivit sa carrière dans la Marine jusqu'au 1er juillet 1972. Il avait été promu commissaire en chef de 2ème classe le 1er janvier 1969.
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[1] Pierre Etienne Sac devait lui-même déserter le Suffren le 23 mars 1943 à Alexandrie pour rallier la France combattante.
[Mise à jour : 11 juin 2023]
Décorations, distinctions :
Sources :