Date de naissance :
29 janvier 1922
Lieu de naissance :
Paris 14ème (75 ) France
date de décès :
29 janvier 1990
Lieu de décès :
Paris 15e
Ralliement :
5 mars 1943 - France combattante - New York 600 ( Etats-Unis d'Amérique )
Matricules :
3819T41
Affectations :
Cap des Palmes
Grade atteint pendant la guerre :
Matelot canonnier
N° membre AFL :
7.995
Engagement : Marine nationale - Toulon - pour trois ans
Matelot de 2ème classe
Matelot de 2ème classe breveté élémentaire canonnier
Ralliement France combattante - New York 600 ( Etats-Unis d'Amérique )
Démobilisé
« Mon Général [1],
j'avais l'intention de venir dans l'armée du Général de Gaulle en septembre 1940. Je suis parti de Paris le 19 septembre, je suis arrivé à la frontière espagnole et je la passai le 27 (par le col du Perthus). Quelques heures plus tard les carabiniers m'arrêtèrent devant une source d'eau. Ils me conduisirent à la police franquiste, qui n'était d'ailleurs pas très gentille vis-à-vis des Français. Ensuite la police espagnole me remit aux autorités françaises, qui décidèrent de moi [sic] un petit séjour de 1 mois en prison. Ensuite j'ai cherché tous les moyens pour rejoindre le Général, mais la chance ne m'a jamais souri. C'est alors que j'ai décidé de m'engager dans la Marine le 26 avril 41, en ayant toujours l'espoir à la 1ère occasion de passer chez le Général.
J'ai fait mon cours sur le Commandant Teste. J'ai terminé à la fin 41. Ensuite je suis parti à Dakar au début 42. J'y suis resté jusqu'au 30 janvier 43. Pendant ce laps de temps j'en ai entendues de drôles, surtout par les marins du combat de Dakar : le combat de Dakar a été pour eux plus terrible que la bataille de Dunkerque [2]
J'en arrive au 8 novembre, à l'instant où les forces alliées débarquèrent en Afrique du Nord pour sauver la France [3]. Le commandant et les officiers du Richelieu étaient tout-à-fait désolés. Ils voyaient le moment néfaste pour eux ; la collaboration dissoute. Pendant qu'ils faisaient des têtes d'enterrement, tout l'équipage se réjouissait. Le commandant [4] faisait des discours qui étaient accueillis le soir par des manifestations générales en faveur des Alliés, au grand désespoir du commandant, qui espérait le contraire ; surtout qu'il avait demandé l'ordre à l'Amiral Collinet [5] de tirer sur les Américains pour soulager son jumeau, le Jean-Bart [6]. L'Amiral lui avait refusé d'y aller. Pendant ces manifestations, le commandant, poussé par la colère, fit un bond sur la plage et dit comme cela : "C'est votre commandant qui vous parle. Si vous n'avez pas d'autres jeux pour vous amuser, vous êtes tous une bande de cons." Il fut accueilli par de jolis petits coups de sifflets. Le lendemain, le commandant reprit la parole. Des paroles qu'un homme un peu intelligent n'aurait pas osé prononcer. Les voici : la délivrance de la France, il appelait ça "l'agression anglo-saxonne" ; "ce voyou de Roosevelt et ce barbouillé de Churchill".
L'équipage, ce soir-là, s'est révolté. Ce n'était plus des manifestations. Le commandant se soir-là est venu sur la plage avant et nous a pris par la douceur, pour que l'on aille se coucher. L'équipage obéit tant bien que mal. La gentillesse du commandant est une traîtrise. Car le lendemain il fit prévenir 30 hommes pour aller en compagnie de débarquement pour 2 jours seulement. 1 jour passe, 2 jours, le 3ème passe. La compagnie de débarquement n'arrive pas le soir. Le commandant avait certainement prévu un soulèvement en masse. Il avait réuni une vingtaine d'hommes choisis, qu'il avait massés près d'une tourelle de 152. Ces hommes avaient des matraques. J'ignore s'ils étaient armés de revolvers. La salle d'armes fermée. Les seconds maîtres, les maîtres des fusiliers et des officiers armés chassaient l'équipage du pont. Le lendemain, il mit une note sur la plage avant. C'était écrit que tous ces hommes étaient des indésirables et qu'ils étaient indignes d'être embarqués à bord d'un bâtiment de ligne comme le Richelieu. Ils sont dans les sections disciplinaires de Podor. Ces braves garçons étaient mes meilleurs camarades. Et j'espère, mon Général, qu'ils seront délivrés. Voici le travail des collaborateurs de l'Axe.
Je désire servir dans les forces navales du Général de Gaulle. Je vous prie de bien vouloir accepter ma demande, car de toute façon je ne retournerai plus à mon bord. »
La plupart des marins de la marine giraudiste qui ralliaient la France combattante à New York étaient envoyés à Halifax (Canada), d'où ils étaient acheminés par voie de mer sur la Grande-Bretagne, où ils signaient leur engagement dans les FNFL. Ce ne semble pas avoir été le cas de Georges Nicolas, qui fut affecté pour compter du 18 mars 1943 au Cap des Palmes. Cet ancien cargo fruitier avait été converti en croiseur auxiliaire à San Francisco dans l'arsenal de Mare Island. Les travaux, effectués de novembre 1942 jusqu'à la fin de février 1943, avaient dû être prolongés jusqu'au 21 mars à la suite d'essais jugés non satisfaisants. Le 22 mars, le Cap des Palmes put enfin appareiller pour San Diégo, où il resta basé pendant un mois et demi pour entraînement. Le 1er mai 1943, il appareillait de San Francisco pour se rendre sur le théâtre d'opérations du Pacifique.
Avant sa tentative d'évasion par l'Espagne, Georges Nicolas était tourneur aux usines Renault.
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[1] Il est vraisemblable que cette lettre ne s'adresse pas au général de Gaulle, puisque Georges Nicolas en parle dans son texte à la troisième personne, mais au lieutenant-colonel Brunschwig du bureau de la France combattante à New York.
[2] Le « combat de Dakar » est une allusion à la résistance de la marine de Vichy à la tentative avortée de ralliement de Dakar et du Sénégal à la France libre (opération Menace du 23 au 25 septembre 1940) par une force anglo-gaulliste. La « bataille de Dunkerque » est une allusion à la prise de la ville en juin 1940 et à l'opération Dynamo (évacuation des troupes britanniques et d'une partie des troupes françaises vers l'Angleterre).
[3] Opération Torch de débarquement anglo-américain en Afrique du Nord.
[4] Le capitaine de vaisseau Deramond, un vichyste convaincu...
[5] L'amiral Collinet était alors commandant de la Marine en AOF (Afrique occidentale française).
[6] Le cuirassé Jean Bart était à Casablanca, un des ports d'Afrique du Nord où eut lieu le débarquement anglo-américain, tandis que le Richelieu était à Dakar, qui n'était pas visé par l'opération Torch.
Sources :